En politique, les Français misent sur "l?expérience"

En politique, les Français misent sur "l?expérience"Alexandra DEL PERAL2 juillet 2016RebloguerPartagerTweeterÉpinglerEnvoyer

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Alain Juppé, le maire de Bordeaux et candidat à la présidentielle du parti Les Républicains à Lyon, le 29 juin 2016

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"Sclérosée", "figée" ou encore "élitiste"? Les Français n?ont pas de mots assez durs pour dénoncer leur classe politique. Pourtant à l?heure du vote, leur choix se porte sur des élus qu?ils ont tantôt vilipendés.


C?est une image qui a fait le tour du monde, celle d?un jeune député de gauche (Podemos) aux longues dreadlocks traversant le parlement espagnol avec nonchalance, sous le regard désabusé du Premier ministre conservateur, Mariano Rajoy. Une scène difficilement imaginable dans l?hémicycle tricolore, où la moyenne d?âge avoisine les 54 ans.


La question de la représentativité ou plutôt celle de la non représentativité de la classe politique française resurgit élection après élection. Si l"abstention atteint des niveaux records, – 41,5% au second tour des élections régionales -, si la défiance des citoyens envers leurs élus n"a de cesse d"augmenter, c"est en partie la faute au manque de renouvellement de la classe politique.


Pourtant, à en croire Philippe Braud, spécialiste de sociologie politique, il y a toujours eu une crise de la représentativité en France. "Le divorce entre les élus et les citoyens se fait constamment. C?est d?ailleurs bien pour cela que l?on parle d?état de grâce au début (…) Mais le divorce arrive très vite car citoyens et politiques vivent dans deux univers opposés. C?est ce décalage qui est en partie responsable de cette crise", note l?universitaire.


Alors que veulent les Français ?


Pour Brice Teinturier, directeur général de l?institut de sondages Ipsos, le renouvellement recouvre plusieurs réalités: ?les Français expriment l?envie de découvrir de nouvelles personnalités, des parcours différents? La question de l?âge n?est pas toujours posée. Il y a surtout l"envie d"en finir avec les professionnels de la politique".


Dans les faits pourtant, les aspirations des électeurs semblent contradictoires.


A droite par exemple, plusieurs sondages donnent comme favoris pour la primaire, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. A respectivement 70 et 61 ans, les deux hommes, en politique depuis plus de trente ans, ne semblent pas incarner le renouveau. Celui qui a fait du renouveau un axe de campagne, Bruno Le Maire, 46 ans et quelque 15 ans d"expérience politique, se classe derrière eux.


– "Echouer, ça forge" –


A l?heure du choix, les Français accordent leur confiance à des élus qui ont "déjà fait leurs preuves". "On veut des styles nouveaux, des visages nouveaux mais en réalité (…) ce que les Français demandent, c?est de l?expérience", résume Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique-opinion chez Harris-Interactive.


"Les Français ont besoin de sentir que l"on fait de la politique autrement et d"être rassurés pour sortir de leur désarroi. Ce n"est pas de la schizophrénie", jugeait début janvier le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), interrogé sur le paradoxe d"une "Juppémania".


En 2012, alors que François Hollande était qualifié au second tour de la présidentielle, une question avait émergé: serait-il en mesure de présider la France, lui qui n?avait jamais été ministre ? L?intéressé avait répliqué que, comme lui, Barack Obama n?avait jamais été membre d?un gouvernement américain.


Car "dans l?imaginaire français, prendre des coups, échouer, ça forge", selon Philippe Braud.


Une tradition souvent à contre-courant des autres pays européens. Ainsi, au Royaume-Uni, lorsqu?un homme politique perd une élection, il démissionne. Ed Miliband, l?ancien leader travailliste a mis fin à sa carrière politique à tout juste 45 ans.


La France est-elle une exception ? En Espagne, le n°2 du parti issu du mouvement des indignés – Podemos – a 32 ans. Le leader du nouveau parti de centre-droit Ciudadanos, Albert Rivera, 37 ans. Au Canada, Justin Trudeau, le Premier ministre a 44 ans…


Mais "attention", avertit l"universaire: "Justin Trudeau est le fils d?Elliott Trudeau, un nom qui parle aux Canadiens! Il n?a eu besoin d?acquérir ni réseau ni notoriété, contrairement à beaucoup d?hommes politiques".


"Dans le cas de l?Espagne, là aussi il y a une explication ! Quand un pays est secoué par une grave crise, il se projette soit sur un vieillard – l?exemple du maréchal Pétain est significatif – soit sur un jeune – durant la révolution française la plupart des généraux avaient 27 ans!"- conclut-il.


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